De la beauté à la raison
Il est beau de s'émerveiller. Il est tragique de ne pas en être capable. Qui s'émerveille n'est pas indifférent. Il est ouvert au monde, à l'humanité, à l'existence. Il rend possible un lien à ceux-ci.
On peut être pauvre, si l'on sait s'émerveiller, on est riche. On peut être riche, si l'on ne sait pas s'émerveiller on est pauvre. On passe à côté de l'essentiel, on manque la beauté du monde, la richesse des êtres humains, la profondeur de l'existence.
La beauté n'est pas simplement belle, elle est utile, c'est elle qui nous fait vivre c'est elle qui nous donne la force de vivre, c'est elle qui nous donne également la Raison qui caractérise l'humanité.
Rien n'est plus important que de s'émerveiller. C'est alors que l'on rencontre les grands secrets de l'existence et que ceux-ci se dévoilent. La vie très concrète que nous menons est liée à une source ineffable qu'elle laisse transparaître.
Il est essentiel de comprendre que la vie est beauté et la beauté raison, mais il importe de comprendre également une troisième chose: la vie est devenir.
L'émerveillement de l'enfant diffère de celui de l'adulte. S'émerveiller pris en ce sens veut dire ne pas être blasé, hautain, méprisant. Tout être humain, après avoir connu l'insouciance de l'enfance, est un jour confronté à la vie du monde, avec son âpreté, ses luttes, ses souffrances, ses drames. Deux voies sont alors possibles: il peut se refermer sur lui-même à la suite de ce choc ou au contraire demeurer ouvert.
Il ne s'est pas endurci. Il ne s'est pas aigri. Il ne s'est pas révolté. Il n'est pas tombé dans le désespoir. Il a laissé sa chance à la vie. Il n'est pas devenu indifférent.
On pourrait croire que l'émerveillement est un regard innocent posé sur l'existence. Il n'en est rien. Il faut avoir lutté contre soi pour parvenir à cet émerveillement-là. Il faut avoir surmonté la tristesse, la lassitude, la révolte, le désespoir et donc les avoir rencontrés.
Extraits de" Retour à l'émerveillement" de Bertrand Vergely